Vive le Minitel !

Vous vous souvenez du Minitel ? Ces gros cubes marrons de 5 kg avec un écran monochrome et un clavier bruyant ? On pensait l’animal mort et enterré depuis belle lurette (2012 officiellement). Pourtant, son esprit rôde. Pis, il ne s’est jamais aussi bien porté : Internet est devenu en grande partie un gigantesque Minitel…

Pour comprendre cette phrase, penchons nous sur le fonctionnement du Minitel et d’Internet. Le Minitel est un type de réseau en étoile, genre bien connu depuis les années 50 : au centre du réseau, un serveur contenant « l’intelligence » (puissance de calcul, information…) et autour de lui des terminaux passifs et débiles ne pouvant faire que de la consultation. Internet est conçu sur un modèle bien différent. Sur Internet, toutes machines connectés au réseau peut être à la fois client et serveur. Entre elles, des routeurs la plupart du temps débiles (ils ne le sont pas en théorie pour traiter les congestions, mais ce n’est pas le propos). Les concepteurs d’Internet ont mis l’intelligence en périphérie du réseau.

Conséquence de ce modèle : Internet n’a pas de centre : il est acentré et neutre (les routeurs traitent les paquets de manière non discriminé). Il est résistant aux attaques nucléaires (raison de son adoption par l‘armée US) et très résistant à toute forme de censure.

Regardons maintenant les usages actuels. Des services comme Gmail ou Hotmail/Live doivent compter à eux deux plus d’un milliard d’utilisateurs. On a donc de très gros serveurs sur lesquels se connectent des centaines de millions de clients passifs : c’est du Minitel. Facebook revendique plus d’un milliard de compte actifs.

Puis-je installer un serveur Facebook sur ma machine pour héberger mon compte depuis chez moi ? Non, obliger de passer dans les datacentrers de Facebook. Minitel. Youtube, Google Drive, Hubic, Netflix ? Minitel (en HD pour Youtube et Netflix, mais Minitel quand même. Au passage, la version Internet de ces services s’appelle BitTorrent. Vos FAI ? Regardez les services qu’ils proposent et ceux qu’ils ne proposent pas (la plupart bloquent encore le port utilisé pour envoyer des mails par exemple). Des Fournisseurs d’Accès Minitel plutôt (dans le monde des télécoms, les clients s’appelle d’ailleurs des « eyeballs » de nos jours).

« Déminiteliser » Internet est une question aujourd’hui cruciale. C’est le meilleur moyen, avec le chiffrement des données, de lutter contre la surveillance de masse. Cela ne l’empêche pas, mais ça en augmente considérablement le coût. C’est aussi le moyen de contrôler ses données et lutter contre les multinationales type GAFA qui se repaissent de votre vie privée. Nous aborderons ces questions (et d’autres!) la prochaine fois !

 

шафт

 

(Publié dans le 42 mars n°1)

 

Bonus numérique : Cet article s’inspire très fortement (euphémisme) de la conférence « Internet Libre ou Minitel 2.0 ? » qui fut donnée par Benjamin Bayart lors des RMLL 2007.